Gaston Donnat: Peuple Pied Noir

Un document inédit de Gaston Donnat

Gaston Donnat a écrit un opuscule de 93 pages, auquel il a donné le titre : « L’Algérie coloniale : algériens et pieds noirs ». Il en avait achevé la rédaction le 15 juillet 1987, donc plusieurs mois après celle de son ouvrage majeur « Afin que nul n’oublie » publié une première fois en 1986 chez L’harmattan puis réédité l’an dernier chez le même éditeur. Le dernier paragraphe de son document, intitulé : « la fusion des ethnies européennes », est consacré à justifier la terminologie « peuple pied noir », qui selon lui « correspond à une réalité ». Il y écrit « 1950 : la fusion est pratiquement terminée, le Peuple Pied Noir est né. Le nom de Pied Noir à l’origine indéterminée, a été adopté par les Européens d’Algérie. Pourquoi ne pas l’admettre et le revendiquer. Quel autre nom, en effet, pourrait-on donner à ce Peuple? »

V 1-1 – : La fusion des ethnies européennes

Les cinq ethnies principales : Espagnole~ Française, Israélite, Italienne, Maltaise seront loin de former rapidement une communauté homogène. Pendant longtemps, elles resteront repliées sur elles- mêmes et sur leurs cultures respectives.

Une vil1e comme Alger où on les retrouvait toutes, permet de mieux saisir le processus de fusion qui va s’opérer. Il faudra plusieurs générations après l’arrivée des familles en Algérie et aussi des évènements historiques impulsant ou nécessitant leur solidarité pour que cette fusion s’accélère puis se termine.

Un rapide et grossier croquis de l’Alger des années 1930 ( voir page précédente) montrera qu’en ces temps-là encore, sauf exception-, chacune des ethnies possédait des quartiers dans lesquels elle était dominante. Les mariages mixtes n’étaient pas encore la règle générale. Ici, la langue espagnole n’avait pas disparu, là, c’était l’italien, ailleurs l’Hébreu ou le patois judéo arabe, le Maltais … mais le. Français était connu de tous, c’était devenu. indispensable.

Mais pendant combien de temps, les quartiers furent-ils bilingues’? Combien de temps a-t-on parlé un charabia qui n’était ni le Français ni la langue d’origine » comme le célèbre Pataouët de Bab el Oued’?

Ce Pataouët a trouvé une illustration dans la publication, en fin du XIX ème siècle, des aventures de Cagayous sous la signature de Musette, pseudonyme sous lequel se cachait un nommé Robinet. Ces publications s’étalèrent de I894 jusqu’en 1920. L’auteur, tout en les exagérant, utilisait les déformations du Français ou les introductions de vocables espagnols, italiens, occitans, arabes. Il caricaturait ainsi le langage réellement parlé par le petit peuple de son quartier, celui de la Marine, à Alger. Cagayous a été antijuif. Il a exprimé aussi les sentiments des immigrés espagnols ,italiens, maltais vis à vis des « Français de France » qui les méprisaient, les traitant de « Français à un Franc », prix de l’acte de naturalisation. Ces immigrés quand ils disaient « Nous autres » (Nosotres), c’était par opposition aux Français de France ridiculisés par Cagayous

prenant comme tête de Turc, Mr Brun, le Lyonnais, le godiche, le dindon de la farce. « Nous autres.’ … dans leur bouche signifiait « les Algériens » … c.ar dans leur esprit, ils étaient les véritables Algériens, …Les « Arabes », ça ne comptait pas.

On pouvait voir au travers de cette mentalité, sourdre le désir confus d’un séparatisme d’avec la France, d’une future »Algérie libre »,… d’une Algérie « algérienne … l’Algérie pour « Nous autres » …mais pas pour les vrais Algériens. C’était une solution du type de l’apartheid d’Afrique du Sud.

Nous ne pouvons résister au plaisir de citer deux petits ex traits caractéristiques des aventures de Cagayous :

 » Si les Algériens y z’ avaient pas gueulé à la Cause de l’affaire Dreyfus, les Français de France y s’arraient pensé que c’est.des étrangers et des champoreaux, moitié italiens, moitié espagnols, qui sont ici « .

 » On se voulait tout casser . L’ hasard. il a voulu, que juste y passe un tramvaille ousqu’y avait deux juifs dessur. Ma, si vous aviez vu cette baroufe ! Le même chose que si une bande de toros de muerte elle serait lâchée contre deux carcans  » .

( Ces éléments sur Cagayous sont tirés d’une étude de Paul Siblot, Professeur à l’Université III, Paul Valéry de Montpellier)

C’est la poussée du Front Populaire, en 1936,. qui va donner une grande accélération au processus de fusion entre toutes les ethnies européennes. En effet, un facteur prolongeant la séparation de ces ethnies était l’ignorance, la pauvreté dans laquelle vivaient des couches nombreuses, dans leurs quartiers. Ces couches formeront la base de masse du Front Populaire. Elles revendiquaient de meilleures conditions de vie, la fin du chômage, des acquis sociaux calqués sur ceux de France, connus grâce aux syndicats C. G. T. U., dans les années 1930 . Leur adhésion au mouvement s’inscrivait dans le même sens que celui qui avait explosé en France …

La Bab el Oued des Espagnols devint Bab el Oued la Rouge. Les Espagnols regroupés à Belcourt, au Ruisseau, Hussein-dey étaient aussi dans le Mouvement ainsi que des Italiens de la Marine et des Israélites de la rue du Divan ou Bab Azoun. Ces derniers ajoutaient à leurs revendications un réflexe de défense contre un fascisme qu’ils savaient dangereux pour eux. Les Français de la fonction publique, enseignants en particulier, ceux des petits cadres du secteur privé ou des transports, des intellectuels, avaient aussi des inquiétudes concernant leur situation et craignaient le fascisme car ils étaient peu aimés des colons. Le fascisme signifierait un renforcement du pouvoir colon qui s’était quelque peu relâché. Et ce pouvoir colon autoritaire n’aurait pas ménagé fonctionnaires et salariés européens. Le passé l’avait montré. Il y avait aussi dans ces couches, la crainte de la guerre.

Dans l’ambiance créée par les manifestations, les grèves, les meetings, dans la cohabitation au sein des syndicats devenus plus nombreux, plus puissants, avec la montée d’un mouvement communiste important, les conditions de fraternisations, de communion d’idées, d’intérêts allaient rapprocher tous ces Européens des divers quartiers, les jeunes surtout, se retrouvant, de plus, dans les Auberges de la Jeunesse.

Les mariages mixtes se firent de plus en plus nombreux… Les parents n’y mettaient plus obstacle et les jeunes étaient bien plus indépendants.

En 1939, la fusion était déjà bien avancée.

Après la séquence vichyste, le débarquement américain et les dernières batailles de la guerre mondiale à laquelle participèrent les Européens d’Algérie dès le début de 1943, allaient encore accélérer ce processus. Les mois des années 1944 et début 1945 ont beaucoup compté aussi car ils ont donné lieu à une importante poussée démocratique et une montée du Parti communiste algérien chez les Européens de toutes origines qui se traduisit par un nombre appréciable d’élus dans les municipalités, les Conseils généraux, l’Assemblée constituante française.

Le journal « ALGER REPUBLICAIN », largement diffusé chaque jour, était lu par de nombreux Européens… et certains même ne l’abandonneront pas lorsqu’ils n’approuveront pas les positions prises par le journal concernant le problème national algérien. Son influence était grande. ALGER REPUBLICAIN, nous l’avons vu avait une large audience aussi parmi les Algériens. Ceux-ci, d’ailleurs, 25 ans après sa disparition, ne l’ont pas oublié. Dans un numéro d’avril 1987, la revue officielle de l’Amicale des Algériens en Europe lui consacre une page émouvante faisant état notamment du rôle joué par son Directeur, Henri Alleg se trouvant à la tête d’ un collectif de journalistes comprenant des démocrates, des communistes européens et’ algériens, mais surtout des patriotes. -La revue algérienne note « ses positions courageuses face au pouvoir colonial » et précise qu’il informa avec courage et obstination sur la répression d’un Peuple en colère » …’

Boualem Khalfa, Henri Alleg, Abdelhamid Benzine viennent de publier  » La grande aventure d’ALGER REPUBLICAIN » : nous conseillons vivement la lecture de ce livre qui retrace un évènement historique important.

Puis, ce fut mai 1945 . . .

Et à partir de là, la fusion sera basée sur une atmosphère de peur attisée par la colonisation.

On ne peut nier, dans les années 1945-50, une accession de ceux des Européens qui étaient pauvres, mêmes très pauvres avant 1936 à un niveau social beaucoup plus élevé. Nous l’avons vu à l’occasion de l’ethnie espagnole. Rares seront ceux qui dans les années 1950, n’ auront pas un emploi stable, un habitat convenable, voire une villa et même une automobile. Pour eux, l’Algérie sera devenue un pays ou l’on vit bien, jouissant d’un climat agréable, permettant des loisirs variés avec ses plages splendides, ses montagnes si belles. Cela était nettement perceptible pour quelqu’un qui avait quitté l’Algérie en 1944 pour la retrouver en 1952.

On ne peut nier les chiffres officiels qui donnent un revenu moyen de 360 000 francs de l’époque par an et par Européen contre 275 000 francs en France et 30 000 francs par Algérien dont 20 000 francs pour 90 % de ces Algériens.

1950 : la fusion est pratiquement terminée, le Peuple Pied Noir est né . Le nom de Pied Noir à l’origine indéterminée, a été adopté par les Européens d’Algérie. Pourquoi ne pas l’admettre et le revendiquer. Quel autre nom, en effet, pourrait-on donner à ce Peuple?

Les Pieds Noirs, nés de cette fusion ont formé une communauté spécifique riche des apports de toutes ses composantes.

A la culture française de base acquise progressivement par les non Français se sont superposées des impulsions, des mentalités, des habitudes alimentaires, des gouts artistiques et musicaux, une conception des loisirs des expressions passées dans la langue, des gestes, des manières d’être collective, empruntés à chacune des ethnies d’origine.

Nous pensons que la terminologie Peuple Pied Noir correspond à une réalité. Elle répond à la définition que donnent du mot « peuple » les dictionnaires et en particulier le Bordas-Logos où l’on peut lire à cette rubrique: PEUPLE : Ensemble des hommes qui habitent un même pays et qui ont entre eux un certain nombre de points communs (moeurs, langue, histoire, tradition …) ; le mot peuple ne précise pas le degré de conscience et d’organisation de l’ensemble considéré comme le précisent les mots nation, patrie.  »

Ce peuple, nouveau né, n’était ni Français ni Algérien.

Pour sa majorité, ses origines ethniques étaient en grande partie espagnoles,. italiennes, israélites, maltaises, etc .. Pour des raisons démographiques, les Pieds Noirs d’origine française étaient devenus minoritaires et de plus, parfaitement intégrés eux aussi à la mentalité collective. C’était un peuple méditerranéen avec une teinte

d’orientalisme. N’est-il pas curieux de constater, après cette petite étude, que parmi les composantes du peuple pied noir,… la presque totalité ces ethnies est véritablement méditerranéenne. Les Français eux-mêmes, étaient en grande majorité des Occitans, il y a 70 mots occitans dans le parler populaire pied noir. Or,  tout autour de la Méditerranée, Espagnols, Italiens, Maltais, Occitans ont connu un lointain passé présentant des situations similaires et l’on peut y ajouter les Israélites algériens. Après les civilisations néolithiques de base, (souvent cousines), toutes ont bénéficié des apports grecs, phéniciens romains, gothiques, arabes (Languedoc, Arles, Haute-Provence, Estérel pour la France).

Ceux qui ont lu le livre de Jean Giono  » Un de Beaumugne » dont Marcel Pagnol a tiré le merveilleux film « Angèle », auront reconnu dans ce père qui enferme sa fille dans une cave pour que l’honn.eur de la famille reste secret, un trait typique du concept familial commun aux Espagnols, Italiens, Maltais, provençaux, Algériens et certainement Israélites …

L’attitude de ce père, ses gestes, les paroles qu’il prononce, ses tirades finales d’allure théâtrale auraient pu, aussi être attribuées à un père sicilien, maltais, espagnol.

Par ses composantes et son voisinage algérien, le Peuple Pied Noir est un condensé des mentalités méditerranéennes … bien sur aujourd’hui édulcorées par la rapidité des transformations modernes.

Jusque vers les années 1950, beaucoup d’entre eux n’étaient jamais venus en France, une France qu’ils ne connaissaient pas, une 1 France dont ils ne pouvaient s’imprégner ni de son passé historique multi centenaire, ni de sa mentalité. D’autant qu’ils étaient enfermés dans leur propre espace : l’Algérie.

Ils ne pouvaient pas se sentir vraiment Français et d’ailleurs, le langage pied noir contient des mots comme  » Français de France », « Frangaoui », « Patot’ … Il est même certains d’entre eux, en Oranie, qui n’auraient pas vu d’un mauvais oeil leur rattachement à l’Espagne. Il existe, aujourd’hui, à Alicante, un quartier Pied Noir comprenant 30 000 habitants, il s’en trouve aussi dans toute l’Espagne. Ce qui confirme la tendance espagnole à rester fidèle à ses origines.

Pendant la période vichyssoise, ils n’ont pas pu ressentir comme les Français, l’occupation allemande invisible en Algérie.

Les seules occasions de se montrer réellement Français, et très honnêtement, il faut dire qu’ils l’ont fait avec beaucoup de courage et sans hésiter, ont été les guerres de 1914-18 et de 1939- 45 (avec, pour eux, une reprise en 1943-45). En 1914, les volontaires non citoyens français ont été nombreux. En 1943, beaucoup de Pieds Noirs ont demandé à être intégrés dans les Corps Francs. Disons à cette occasion, que de nombreux Algériens aussi ont participé aux différentes guerres et y ont laissé de nombreuses victimes.

Mais, cet engagement des Pieds Noirs et les victimes qui en résultèrent sont à verser au compte des malheurs subis par ce Peuple, ils ne peuvent pas modifier sa nature, pas plus que le rôle historique qu’on lui a fait jouer en Algérie.

LE ROLE ET LA PLACE DU PEUPLE PIED NOIR EN ALGERIE.

Et c’est là qu’il faut vraiment dépasser toute l’affectivité qui a marqué les Pieds Noirs pendant les dernières années qu’ils ont vécues en Algérie et surtout celle qui est encore vivante aujourd’hui chez un grand nombre d’entre eux, celle qui a connu leur exode. Le moment est venu, pour eux, de bien évaluer, en se basant sur des réalités historiques et non plus sur tous les mensonges dont on les a entourés, le pourquoi de leur présence en Algérie.

Quelques redites sont nécessaires car il s’agit des réalités fondamentales dont l’éclairage conditionne toute la compréhension du problème de l’Algérie coloniale.

Avant 1930, l’Algérie possédait un Etat. C’était un Pays indépendant, peuplé par des habitants qui, pour l’essentiel, étaient les descendants de populations autochtones y ayant vécu depuis l’époque préhistorique, le néolithique, pour le moins. Dans ce Pays, toutes les terres étaient occupées et constituaient des propriétés le plus souvent collectives: il n’y avait donc pas de place pour une installation massive d’éléments étrangers. De plus, le niveau de vie général de ces populations, en 1830, n’était pas du tout inférieur à celui des paysans français de cette époque … et bien entendu aussi de celui des paysans espagnols, italiens, maltais.

La présence d’un Peuple nouveau créé en Algérie ne pouvait résulter que d’un rapt de terres appartenant aux Algériens, que de l’installation d’une Administration autoritaire destinée à tenir les Algériens à l’ écart de la direction de leur Pays.

Les responsables de cette situation sont essentiellement les divers Gouvernements français depuis 1830 jusqu’à 1962 ; ils n’étaient que les exécutants de la grosse finance française et bientôt de celle qui naitra en Algérie même. Lorsque ces gens se sont rendus compte que les Algériens ne seraient jamais réellement soumis, jamais sûrs, alors, ils ont facilité l’immigration d’éléments européens vers l’Algérie.

La stratégie de la haute finance a consisté à se créer une masse humaine étrangère au Pays destinée à préserver ses intérêts, à protéger ses entreprises. Munis de tous les moyens nécessaires y compris l’école publique, ils ont réussi, dès les débuts, à circonvenir les premiers arrivés en les convainquant. d’être des civilisateurs ; puis avec les arrivages successifs, en les maintenant dans la croyance que l’ Algérie était légitimement française. Ils appuyaient leur. thèse sur cette contre vérité selon laquelle les « Arabes » n’étaient que des envahisseurs et que la richesse du Pays ne résultait que de la ténacité, du savoir-faire des  européens .

Pendant de nombreuses décades, la majorité des Européens sera exploitée par le colonat et la bourgeoisie coloniale. Puis, à partir de 1936 et de 1945, sous la pression des travailleurs organisés dans leurs syndicats, confrontés à l’action des communistes et devant la montée du Mouvement National, les capitalistes se décidèrent à satisfaire certaines revendications des salariés européens et algériens. Les Européens les plus pauvres connurent une élévation importante de leur niveau de vie ainsi qu’une mince couche de la population algérienne représentant moins de 10 % de l’ensemble. Les 90 % des Algériens étaient maintenus dans leur état de misère et d’ignorance. Malgré les souhaits de certains colonialistes, ceux-là existaient et n’avaient pas disparu. Leur nombre avait même augmenté: ils étaient plus de 8 millions en 1958 . A cette date, la couche ayant quelque peu bénéficié des « richesses » algériennes devait comprendre environ 600 000 Algériens, familles comprises.

Nous avons donné les raisons qui ont fait que les Algériens n’ont pas subi le sort des Indiens d’Amérique.

Les évènements gigantesques ayant secoué le Monde de 1917 à 1945, surtout à partir de 1936 se répercutèrent jusqu’au coeur des montagnes et jusqu’au centre des bidonvilles. Nul ne pouvait ,arrêter l’histoire . Ces Algériens-là,  n’acceptaient plus leur misère, leur indignité et le gommage de leur identité..

Ce fut l’explosion de 1954.

Le Peuple Pied Noir, déjà très effrayé par les manifestations et émeutes de 1945, fut stupéfié par ce qui arrivait. Excepté les communistes, personne, aucun journal, aucun parti politique ne leur avait laissé présager qu’un jour arriverait où, problème même de leur présence en Algérie serait contesté.

Depuis 1920, on le sait, les communistes dénonçaient le régime colonial sous toutes ses formes; ils décrivaient la situation insoutenable des larges masses algériennes et ils ne cessaient de démontrer les dangers d’explosion qui s’accumulaient en Algérie. Ils savaient qu’on ne peut pas détourner le sens de l’histoire et qu’un jour ou l’autre, les Algériens récupèreraient leur Pays. Si on les avait écouté, sans doute, cela aurait pu se faire en évitant le drame affreux qui ensanglanta l’Algérie pendant 8 ans… et se termina par un exode douloureux.

D’ailleurs, fidèles à eux-mêmes, les communistes, sous la direction de leur Parti, s’engageront, dès la fin 1955, dans le combat armé qui opposait les Algériens à l’Armée française. Beaucoup, parmi eux, payèrent cet engagement de leur vie, de leur liberté, de leur santé définitivement compromise. Plusieurs centaines de Pieds- Noirs communistes ont ainsi été tués (Maillot, Iveton, Audin, Laban; Raymonde Peschard, Raffini, Counillont etc …), torturés (Henri Alleg, Célestin Moréno, Tiffou, etc ), emprisonnés, internés dans des camps, expulsés … Ils ne se battaient pas contre leurs compatriotes pieds noirs chez lesquels se trouvaient leurs parents, leurs amis, sachant bien que le Peuple Pied Noir était trompé par la propagande colonialiste, terrorisés par l’O.A.S. . Ils se battaient contre un système basé sur le racisme, l’oppression, l’exploitation de tout un Peuple. Ils savaient que les vrais responsables des massacres n’avaient rien à voir avec l’ouvrier de Bab el Oued, le petit commerçant de Tizi Ouzou, l’instituteur, etc Les vrais responsables, eux, étaient à l’abri, c’étaient les gros profiteurs de la colonisation.

Par contre, les autres partis ont poussé les Pieds Noirs au jusqu’auboutisme. Ils les ont maintenus dans l’idée que la France industrielle, pourvue d’une Armée ultra moderne, assurant la sécurité parfaite de l’Algérie…qu’elle aurait tôt fait d’écraser ces « rebelles ». Ils les ont, sans cesse, enfermés dans cette idée mensongère proclamée depuis plus d’un siècle selon laquelle l’Algérie était » Française. Les Pieds Noirs ont été trompés, utilisés jusqu’à la dernière heure.  On ne leur a jamais dit que les Rois de la colonisation avaient depuis longtemps imbriqué leurs capitaux dans, les grandes Sociétés françaises ou étrangères ayant leurs sièges à Paris, New York ou ailleurs … que ces capitaux, désormais, leur rapportaient davantage là bas qu’ici, en Algérie. On ne leur a pas dit que sur le plan du capitalisme français, le système colonial classique devenait trop couteux et qu’à Brazzaville, déjà, en 1944, sous la présidence du Général De Gaulle, une Conférence avait jeté les bases d’une autre forme d’exploitation de ces Pays.

On ne les avait guère informés, non plus, des sentiments du Peuple Français à l’égard des situations coloniales.

Le Peuple Pied Noir ne pesait pas lourd parmi tous ces impératifs. Et quand on n’eut plus besoin de lui en Algérie, on l’abandonna à son sort, on se contenta d’une aide plus ou moins efficace au cours de son exode et d’une réinstallation très difficile après une dispersion sur tout le territoire français, un territoire in- connu pour beaucoup.

L’Armée française de I830 avait commencé l’aventure algérienne dans le déshonneur d’une guerre imposée à un Pays plus faible, elle la terminait dans le déshonneur du sang versé pendant 8 ans, sang essentiellement, algérien mais aussi Pied Noir et Français.

La création du Peuple Pied Noir fut un crime historique dont fut victime le Peuple Algérien. Mais, ces fils, petits fils, arrières petits fils de paysans, de proscrits, d’ouvriers français… de villageois ou pauvres citadins espagnols, de misérables pêcheurs italiens, de Maltais besogneux, d’Israélites, fils de l’Algérie …

que l’on a utilisés pendant plus d’un siècle pour aider la colonisation, ont été, eux aussi, des VICTIMES. Ils ont perdu tout ce que des mensonges habilement distillés avaient réussi à faire d’eux: des gens ayant cru sincèrement se trouver chez eux, dans ce Pays tel qu’il était; ayant cru sincèrement que leur rôle dominant était la condition indispensable au maintien de la prospérité et de la sécurité de l’ « Algérie Française » . .. et pour les meilleurs d’entre eux, ne sachant pas qu’avec d’excellentes intentions même, « on ne peut pas imposer un bonheur quelconque à un Peuple étranger ».

L’Histoire a tranché définitivement.

Aujourd’hui, il faut faire taire les affectivités. Bientôt, la première génération de rapatriés aura disparu. Pour ceux qui survivent, pour leurs enfants, il n’existe qu’une solution: leur intégration parfaite et sans complexe dans la société française. Et notamment, que les fils de Bab el Oued la Rouge, de Belcourt, de la Marine d’Oran, de tous les quartiers ouvriers des villes, que tous ceux qui avaient fait confiance aux communistes et progressistes d’Algérie rejoignent les rangs de ceux qui poursuivent le même but: aller vers plus de justice, de solidarité, de liberté, de bien être, de Paix .

Les autres aussi doivent prendre en compte le fait historique qu’ils ont été trompés, sacrifiés … Que tous les Partis politiques de Droite et d’une certaine Gauche (y compris le Parti Socialiste) ont participé à cette tromperie. Cela doit inciter à comprendre enfin les Pieds Noirs qui, en Algérie, leur ont toujours dit la vérité, notamment les communistes. Ils ont pu se tromper parfois mais ils ont eu le courage de le reconnaitre publiquement .Ils.ont toujours oeuvrer pour que la fin inéluctable du système colonial soit la moins douloureuse possible pour tous. Ils sont les seuls à avoir tenter cette démarche.

Les Pieds Noirs ne peuvent pas l’oublier ou l’ignorer.

DONNAT Gaston   – Enseignant (élève de l’Ecole Normale de Bouzaréah) Décédé le 7/2/07

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Une réponse à Gaston Donnat: Peuple Pied Noir

  1. Maubourguet Emmanuelle dit :

    Je n’aurais qu’un mot à dire. Merci.
    Je suis petite fille de pied noir. Et il a toujours était difficile pour ma grand mère ou meme ma mere, de me parler de ce qu’il c’est vraiment passé. Elles m’ont toujours parlé de leur pays comme celui du partage de l’amour et de la valeur familiale. Ma mère avait 9 ans quand elle a quitté l’Algérie et elle en garde de bon souvenir, mais aussi une trace indélébile de cette guerre si fourbe.

    Mon cousin a fait des recherche généalogique et il est remonté a notre ancêtre qui est partie coloniser l’Algérie avec sa famille. Nous avons retrouvé un acte de vente de terrain. Bon nombre de personne disent sinon a donné des terres aux colons et qu’ils étaient riche. Et bien nous avons la preuve qu’ils on payé ces terres.

    En tout cas ce récit m’a permis de comprendre cette douleur ue j’ai pu ressentir de par ma grand mère et ma mere. Ce n’est pas juste parce qu’elles ont dû quitter le pays mais aussi parce qu’elles ont été leurrées.

    Bon courage pour la suite.

    Cordialement.

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