Perpignan, capitale des nostalgiques de l’Algérie française, par Roger Hillel. (publié le 16/02/2012)

Inauguration du centre de documentation des français d’Algérie.
Dimanche 29 janvier, au palais des congrès devant une foule de pieds noirs venus de toute la France, le président du cercle algérianiste, du maire de la ville et du ministre de Nicolas Sarkozy ont à l’unisson vanté les bienfaits de la colonisation.
En cette journée de dimanche 29 janvier, la pluie, le froid, et le vent se sont abattus sur Perpignan  ainsi que le méritait l’affligeante inauguration du centre de documentation des français d’Algérie. Affligeant les discours que devaient prononcer d’abord Thierry Rolando président national du cercle algérianiste, une association qui regroupe des milliers de pieds noirs perdus dans la nostalgie de l’Algérie d’avant l’indépendance, puis Jean Marc Pujol, maire de Perpignan et enfin Gérard Longuet, ministre d’Etat. Un personnage à qui colle toujours à la peau son passé de fondateur en 1963 du mouvement d’extrême-droite, Occident. Ce passé, il l’a habilement exhibé après s’être fait huer pour avoir cité le nom du général de Gaulle. Et puis, pour retourner, non sans succès, son auditoire en sa faveur, il a fustigé les «adeptes de la repentance», et flatté «cette formidable entreprise de la présence française en Algérie». Puis, pour ne pas être en reste, il a achevé son discours en entonnant le chant des africains, suivi par une salle exaltée et rugissante et conclu l’inauguration par: «vive le souvenir de la France en Algérie». Ce slogan faisait écho à celui de Thierry Rolando qui avait terminé sa harangue par ce cri: «que vive l’Algérie qui fut la notre, l’Algérie Française». Il faut dire que ces deux personnages s’apprécient. Le premier n’avait-il pas la veille, au congrès national du cercle algérianiste, salué «le parcours politique particulier» du second, ajoutant à son endroit pour s’en féliciter, qu’il avait été «le leader du mouvement Occident». Encadré par ces deux allocutions, celle du maire de Perpignan, Jean Marc Pujol se voulait larmoyante et pateline. Histoire de prouver son ouverture d’esprit, il avait parsemé son propos des mots: «Amour, vérité, justice, mémoire». Des mots sirupeux qui ne sauraient estomper son hommage au commandant Hélie Denoix de Saint marc, l’un des fondateurs de l’OAS, fait Grand’Croix de la Légion d’honneur, le 28 novembre 2011, par le Président de la République. Jean Marc Pujol est familier des coups bas sachant se faire  ovationner en s’insurgeant contre «ces falsificateurs de l’histoire, ceux qui ont voulu faire croire aux lendemains qui chantent en fournissant le goulag en URSS». C’est sous de tels auspices qu’a été conçu le centre de documentation des français Algérie désigné dans le message de Nicolas Sarkozy lu par Gérard Longuet comme «le musée consacré au souvenir des français d’Algérie».On ne saurait mieux définir ce centre qui ouvre ses portes dans un haut lieu historique de la ville, le couvent Sainte Claire, qui fit office de prison jusque en 1989. Tout un symbole: une ancienne prison pour emprisonner l’histoire.
Roger Hillel

«Morceaux de choix» du discours de Jean Marc Pujol
«L’amour de notre pays perdu, de nos familles dispersées, les français d’Algérie l’ont peu a peu construit en métropole. Je dis métropole parce que je sais que pour beaucoup d’entre vous le mot France a été synonyme d’abandon, d’incompréhension, de trahison et d’injustice. La France qui nous abandonné c’est celle qui a ordonné aux soldats de ne pas sortir des casernes le 5 juillet 1962 à Oran quand les massacres commençaient, c’est celle du froid calcul politique toutes tendances confondus. Mais, n’oublions surtout pas qu’au même moment des officiers français désobéissaient pour sauver les pauvres vies emportées par la monstruosité politique (il s’agit des officiers qui créèrent l’OAS. NDLR) le temps est venu de sortir des lectures biaisées d’idéologues au service d’une cause dépassée qui travestissent la vérité pour se donner bonne conscience… déjà lorsque nous avons érigé le mur des disparus nous avons dû faire face à des campagnes de désinformation et de calomnies des falsificateurs de l’histoire» .

A l’appel du collectif «pour une histoire franco-algérienne non falsifiée», quatre vingt personnes se sont retrouvées place Cassanyes pour protester contre l’inauguration du centre de documentation des français d’Algérie

Le collectif «pour une histoire franco-algérienne non falsifiée» ne voulait pas laisser sans riposte l’inauguration du centre de documentation des français d’Algérie. Un «musée» qui mérite plutôt l’appellation de centre «de dévotion de la France en Algérie» tant sa présentation des 132 années de présence française en Algérie est conçue comme une apologie de «l’oeuvre française en Algérie». A l’heure où le ministre Longuet faisait son apparition dans le palais des congrès, à l’instant même où il était ovationné par une salle comble de nostalgéristes debout et trépignants, quatre vingt militants bravant le froid étaient rassemblés à quelques encablures pour sauver la face de la ville de Perpignan qui se flatte d’accueillir un centre de documentation à vocation nationale et qui n’est en fait, après la stèle OAS et le mur des disparus, que la 3ème pièce d’une lamentable opération de réhabilitation du colonialisme français pilotée par la mairie et le cercle algérianiste. Les militants, après avoir inauguré une «place des victimes du colonialisme», puis expliqué aux passants le sens de leur initiative, devaient lancer des slogans on ne peut plus explicites:

Non ! Pas d’argent public pour les nostalgiques de l’Algérie Française.

Non au Centre de documentation des français d’Algérie.

Oui pour une histoire franco -algérienne non falsifiée.

Oui pour la vérité sur les crimes du colonialisme, halte au racisme et à la xénophobie.

Roger Hillel

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